Censure préalable : le CDJ précise les obligations des rédactions en matière de droit de réplique

Sollicité par Le Soir sur la question, le CDJ a, lors de sa réunion plénière d’avril, adopté un avis relatif à l’application du droit de réplique, qui devient un instrument de censure préalable dans le chef de certaines personnes sollicitées par les médias. L’avis rappelle les obligations qui incombent aux rédactions en la matière, considérant les menaces éventuelles d’interdiction de publication ou de diffusion.
A l’approche du scrutin communal d’octobre 2024, Le Soir faisait l’objet d’une procédure en requête unilatérale d’extrême urgence, entre autres incidents s’apparentant à de la censure préalable. En cause : un journaliste de la rédaction avait sollicité le point de vue d’un édile communal, candidat tête de liste aux élections, concernant un litige lié à la faillite d’un restaurant dont il était propriétaire. De manière totalement inconstitutionnelle, le président du tribunal de première instance avait alors interdit à tous les médias du groupe Rossel de diffuser l’information contestée sous peine d’astreinte. S’inquiétant de la dérive possible liée à la mise en œuvre du droit de réplique, qui devient potentiellement un instrument de censure préalable dans le chef de certains mis en cause, Le Soir a sollicité l’avis du CDJ.
Dans l’avis général qu’il a adopté le 23 avril 2025, le CDJ rappelle en premier lieu les principes de base liés à la mise en œuvre de l’art. 22 du Code de déontologie – « Lorsque des journalistes diffusent des accusations graves susceptibles de porter atteinte à la réputation ou à l’honneur d’une personne, ils donnent à celle-ci l’occasion de faire valoir son point de vue avant diffusion de ces accusations. L’impossibilité d’obtenir une réponse n’empêche pas la diffusion de l’information mais le public doit être averti de cette impossibilité » : la personne sollicitée l’est car elle est mise en cause gravement, c’est-à-dire de telle sorte que l’accusation qui la vise est susceptible de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation ; la sollicitation intervient avant diffusion ; elle passe par l’identification nécessaire de son objet, de manière à permettre à la personne mise en cause de saisir les motifs de la demande et d’apprécier l’utilité d’y répondre ou non ; cette personne a la liberté de refuser ou d’éviter de répondre à la demande des journalistes ; ce refus ou silence – qui doit être signalé au public – n’entraîne pas l’obligation de mettre fin à l’enquête des journalistes.
Ensuite, l’avis souligne plus particulièrement qu’en dépit de son instrumentalisation possible aux fins d’interdiction de publication ou de diffusion, le droit de réplique doit être appliqué chaque fois que nécessaire. Il s’agit là en effet d’un gage de la qualité déontologique de l’information diffusée et de la confiance que le public est en droit de lui accorder.
Enfin, l’avis aborde le cas des médias tiers qui viendraient à rapporter l’information qui a fait l’objet d’une censure préalable, auquel le droit de réplique s’applique également. Si ces médias tiers signalent au public que le média qui fait l’objet de la censure pour avoir voulu diffuser cette même information avait, avant diffusion, sollicité le point de vue de la personne mise en cause, et que cette dernière lui a répondu en introduisant une requête unilatérale visant à interdire la publication, ils sont alors considérés comme ayant satisfait le droit de réplique. Par contre, si les médias tiers complètent l’information rapportée par d’autres éléments d’enquête, y ajoutant de nouvelles accusations graves, ces dernières devront nécessairement faire l’objet d’un droit de réplique auprès de la personne visée.
Au-delà des précisions qu’il apporte au respect de cette obligation déontologique dans le climat de tensions, pressions et censure par rapport à l’exercice du journalisme, ce texte réaffirme que la déontologie journalistique garantit le droit à l’information. Comme le souligne le préambule du Code de déontologie : « Le droit à l’information ainsi que la liberté d’expression et de critique constituent des droits fondamentaux et des conditions essentielles à une société démocratique. Les journalistes ont le droit et le devoir d’informer le public des sujets d’intérêt général ».
Lire l’avis sur l’instrumentalisation du droit de réplique à des fins de censure
Lire le communiqué sur les décisions d’avril
Des recommandations jurisprudentielles générales sur l’application du droit de réplique sont également accessibles ICI.