Le CDJ précise les contours de l’articulation des responsabilités respectives des éditeurs et des rédactions en matière de déontologie journalistique
Lors de sa seconde réunion plénière de septembre, le CDJ a adopté un avis sur l’articulation des responsabilités respectives des éditeurs et des rédactions en matière de déontologie journalistique, suite à une importante discussion qui avait accompagné un dossier d’autosaisine classé sans suite sur la question de l’exercice des responsabilités au sein des rédactions, au regard notamment des responsabilités exercées par l’éditeur responsable.
Le 24 avril 2024, le CDJ décidait de s’autosaisir d’une question relative au retrait – sans commentaire – de l’article en ligne d’un média qui relayait l’enquête de deux confrères consacrée aux liens entre des entreprises de paris sportifs et un parti politique. Ce retrait avait suscité de nombreuses réactions inquiètes du milieu journalistique, craignant une intervention externe à la rédaction. Après examen des explications circonstanciées fournies par le média dans le cadre de la procédure en médiation qu’il avait initiée, le Conseil a décidé, en juin 2024, de refermer le dossier et de le classer sans suite, faute d’enjeu. Cela étant, il a choisi de rendre un avis général sur la ligne de partage entre responsabilité éditoriale et responsabilité déontologique, eu égard au principe d’indépendance rédactionnelle (art. 11 du Code de déontologie), et sur les principes applicables en matière de retrait d’une production journalistique.
Après avoir rappelé, en préalable, les enjeux de cette question, parmi lesquels l’éventuel conflit qui peut naître de la divergence des intérêts respectifs des éditeurs et des rédactions qui peut impacter le respect de la déontologie journalistique, ce nouvel avis du CDJ énonce d’abord les principes généraux en matière de responsabilité éditoriale et de responsabilité rédactionnelle, en ce compris les prérogatives respectives des différents acteurs au sein d’un média. Il aborde ensuite plusieurs thèmes particuliers inhérents à cette distinction : l’objection de conscience, la participation à des contenus de nature commerciale et le retrait de contenus journalistiques.
Concernant l’objection de conscience, le CDJ précise que si « les journalistes respectent les instructions de leur rédaction en chef, en conformité avec la ligne éditoriale de l’organe d’information auquel ils collaborent », ceux-ci « ont cependant droit à l’objection de conscience : ils ne peuvent être contraints d’agir contre leurs convictions ou leur conscience. Ils ne peuvent être sanctionnés pour l’exercice de ce droit ». Ainsi, « Seule la rédaction en chef peut rappeler à l’ordre le ou la journaliste qui ne respecterait pas de façon manifeste la ligne éditoriale de son média ».
Relativement à la participation à des contenus de nature commerciale, le CDJ rappelle que les rédactions et les éditeurs sont tenus au respect de l’art. 13 du Code de déontologie et à la Directive sur la distinction entre publicité et information, dont la teneur est reprise. L’avis précise par ailleurs que dans le cas où le rôle d’éditeur et de rédacteur / journaliste est endossé par une seule et même personne, « les médias veillent à ce que tout élément publicitaire intégré dans un contenu à caractère informatif soit géré par une personne ou entité distincte de la rédaction, de manière à garantir une distinction claire entre l’information journalistique et la communication commerciale ».
Le Conseil note par la suite que le retrait de contenus journalistiques « relève de la seule liberté éditoriale des rédactions et ne peut en aucun cas être dicté par une quelconque influence, pression ou demande d’une personne extérieure à la rédaction ». Dans l’exercice de cette liberté éditoriale, « les rédactions s’engagent à procéder à un tel retrait uniquement pour des motifs déontologiques, rédactionnels ou sur injonction d’une autorité judiciaire ou administrative ». Celles-ci veillent ainsi à ce que cette action ne puisse être de nature à jeter le doute sur l’indépendance du média. Sauf à enfreindre une nouvelle fois les règles déontologiques ou légales, les rédactions « veillent à informer le public, en toute transparence, sur les raisons les ayant poussées à procéder au retrait ».
Le CDJ rappelle enfin que, dans le cas particulier d’informations erronées, les rédactions ont l’obligation de rectifier l’erreur rapidement et explicitement, conformément à l’art. 6 du Code de déontologie et la Recommandation sur l’obligation de rectification (2017).

