Réunion de mai au CDJ : 2 plaintes fondées (Matchpoint & RTL-TVI, RTBF (ONPDP), 1 plainte non fondée (RTBF (JT))
Le Conseil de déontologie journalistique a adopté trois décisions sur plainte lors de sa réunion de mai. La première plainte fondée, qui portait sur une séquence TV de journalisme embarqué, concerne l’identification d’une personne, sans son autorisation, en dépit de l’engagement signé par la société de production. La deuxième plainte, fondée également, vise un défaut de droit de réplique dans une séquence conso consacrée à une société en faillite, accusée d’avoir arnaqué ses clients. La troisième plainte, non fondée, revient sur le cadrage journalistique de l’intervention en plateau d’un expert en droit international le jour-même des attentats perpétrés par le Hamas en Israël.
La première plainte, déclarée fondée (23-10 D. Kint & Police locale de Mouscron c. Matchpoint & RTL-TVi (« Au commissariat »)), concernait une séquence de journalisme embarqué qui suivait des policiers enquêtant sur des soupçons de vols par ruse. Les plaignants dénonçaient pour l’une – une enquêtrice soumise au contrôle – principalement son identification sans autorisation et la suspicion que le montage maintenait à son endroit en dépit de l’issue du contrôle, pour l’autre – la police locale de Mouscron – le non-respect de la convention de tournage passée avec la société de production. Le CDJ a relevé que la séquence identifiait, sans autorisation et sans plus-value pour le public, la personne soumise au contrôle. Il a retenu que ce faisant, la société de production n’avait pas respecté l’engagement qu’elle avait pris dans la convention signée avec la police quant au droit à l’image des personnes filmées, et qu’elle avait manqué de prudence en laissant planer l’incertitude sur la qualité réelle d’enquêtrice de cette personne, qu’elle n’avait pas vérifiée en dépit des trois ans écoulés entre le moment du tournage et la diffusion de la séquence. A l’issue de sa décision, le CDJ rappelle que les journalistes agissent, sauf exceptions prévues à l’art. 17 du Code, à visage découvert et recommande aux journalistes embarqués de toujours veiller à se signaler comme tels auprès des personnes qu’ils sont amenés à rencontrer, à enregistrer ou à filmer. Ce signalement peut intervenir par des moyens visuels (brassard, présence d’un sigle ou logo) qui doit être significatif et aisément reconnaissable par le public.
La deuxième plainte, également fondée (23-37 Lofoten SRL & S. De Cock c. F. J. & Th. R. / RTBF (« On n’est pas des pigeons »)), concernait une séquence consacrée à la faillite d’une société de fabrication de lits-cabane. Le plaignant – le gérant de la société – reprochait aux animateurs d’avoir tenu des propos diffamatoires et accusateurs à son encontre et d’avoir relayé des informations erronées sans avoir pris la peine de les vérifier ou de le contacter pour avoir sa version des faits. Le CDJ a constaté que l’émission n’avait pas sollicité, avant diffusion, le point de vue de la société et de son gestionnaire, qui faisaient tous deux l’objet d’accusations susceptibles de porter atteinte gravement à leur honneur et à leur réputation. Le Conseil a également relevé que bien qu’ils n’aient pas pris à leur compte lesdites accusations, les journalistes qui les relayaient en leur conférant un certain crédit auraient dû veiller à en recouper la teneur auprès de la société visée.
La troisième plainte, déclarée non fondée (23-32 A. Destexhe c. RTBF (JT)), visait l’interview, dans le JT de la RTBF du 7 octobre 2023, d’un expert en droit international, invité à s’exprimer le jour-même de leur commission, sur le contexte géopolitique des attentats perpétrés par le Hamas en Israël. Le plaignant reprochait au présentateur d’avoir insuffisamment cadré l’entretien alors que, selon lui, l’invité y justifiait clairement l’attaque du Hamas et que ses positions sur le conflit israélo-palestinien étaient prévisibles puisque de notoriété publique. Rappelant la liberté rédactionnelle du média dans le choix de ses interlocuteurs, le Conseil a noté que les propos du chercheur que le journaliste ne reprenait à aucun moment à son compte ne nécessitaient pas de recadrage : d’une part, le journaliste qui pouvait raisonnablement tenir l’analyse de ce chercheur pour scientifiquement établie n’avait pas l’obligation de modérer les faits relevés par son invité dès lors qu’ils n’étaient manifestement pas contraires à la vérité ; d’autre part, il n’y avait pas lieu de considérer les propos de cet expert comme de la stigmatisation ou de l’incitation à la haine, dès lors que l’invité ne minimisait, ni ne justifiait les faits que son analyse était censée éclairer.
Début juin, 22 plaintes sont en traitement au CDJ. Entre la réunion plénière d’avril et celle de mai, 1 plainte s’est soldée par une solution amiable. 9 autres plaintes n’ont pas été retenues, soit parce qu’elles ne répondaient pas aux conditions de recevabilité formelle, soit parce qu’elles n’entraient pas dans le champ d’exercice de la déontologie journalistique, soit parce que l’enjeu déontologique soulevé n’était pas rencontré (plainte manifestement non fondée). Tous les plaignants en ont été dûment informés.